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Rencontre avec jean calembert, un senior écrivain
- Publié le : 23-01-23
- Catégorie : Art et Cultures
INTRODUCTION
Jean Calembert est un "jeune vieux senior" de 80 ans qui vient de publier son second roman Le Mal-Aimé. Son héros, Lionel, est aussi un senior, un chirurgien retraité, replié sur lui-même, loin de ses enfants et qui trompe son ennui en regardant couler la Meuse. A 70 ans, Il est victime d'un AVC et cet accident va tout changer. Avec une écriture précise, rythmée et fluide, l'auteur nous fait voyager avec le cœur et l'esprit et découvrir les autres membres du clan qui, de rebondissement en rebondissement vont se rapprocher de Lionel. Dans sa maison de repos, ce dernier se bat pour retrouver toutes ses facultés, se rapprocher de ses enfants, écrire, explorer ses souvenirs, séparer le vécu des rêves et des fantasmes. Un récit proche de nous, proche de vous, que l'on dévore jusqu'au dénouement final.
Jean a redécouvert l'écriture à 77 ans, ce qui a relancé sa vie. Avec Le Mal-Aimé, il offre aux seniors un tremplin pour rebondir et redonner un sens à leur existence.
Interview
Sophie: Vous êtes arrivé à l'écriture lorsque vous étiez pensionné, avec votre premier roman Joe Hartfield, l'homme qui voulait tuer Donald Trump. Pourriez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé là. Cela pourrait-il être une source d'inspiration pour nos seniors ?
Jean: Certes, j'étais pensionné mais très actif, sportif et insouciant, avec, dans ma tête, l'impression d'avoir toujours 50 ou 60 ans. Je ne m'étais jamais senti vieux jusqu'à ce que, en quelques semaines, ma prostate se laisse aller, mon ouïe se détériore, mon cristallin s'opacifie, mes implants dentaires grincent et mon sang ne circule plus dans mes jambes. La plus grande surprise pour moi a été alors de constater que, oui, j'avais vieilli. Cela a culminé jusqu'au 4 août 2019, le jour de mes 77 ans, âge charnière selon Tintin. Ce matin-là, j'ai décidé d'écrire un livre. Depuis, en parallèle à un hédonisme tranquille, j'entame une seconde vie !
Sophie: Comment fait-on pour écrire un livre, surtout à 77 ans ?
Jean: Dans mon boulot (les études de marché et le marketing), j'ai toujours beaucoup écrit et facilement. J'ai construit mon premier roman autour de deux axes : un axe biographique et un axe fiction avec des personnages hauts en couleur et un découpage chronologique basé sur des "moments magiques". Je me suis lancé à l'eau sans bouée, sans maître-nageur et j'ai constaté avec surprise que je ne coulais pas. Et j'ai travaillé jour et nuit pour terminer un brouillon de 350 pages 6 mois après ! Après une petite pause, bénéfique pour le roman, mon cerveau et mes proches, j'ai entamé les retouches et terminé par une dernière lecture exhaustive en été. J'ai envoyé le manuscrit final à l'imprimeur en septembre 2020.
Sophie: Quels conseils donneriez-vous aux seniors qui voudraient se lancer dans cette aventure ?
Jean: Écrire n'est pas difficile, on déroule. Écrire bien, c'est autre chose ! Je crois que l'écriture doit être naturelle, spontanée, personnelle et qu'il faut y prendre un énorme plaisir... ou arrêter. Quand je ne ressens pas la joie d'écrire, je n'écris pas ! Quand j'écris, je suis comme une éponge, j'absorbe tout et j'entrepose dans mon cerveau un formidable terreau pour la suite: des souvenirs, des faits d'hiver, des morceaux de rêve, des fantasmes, des fragments de Houellebecq, Murakami ou d'autres écrivains ! Au fur et à mesure que j'écris, je puise dans ce terreau. Quand j'estime que tout va à peu près bien, je m'assure de la fluidité et de la cohérence du texte et je procède aux derniers ajustements. Reste ce qui doit rester. Écrire est un grand bonheur pour moi. Plutôt que d'écouter les "experts en écriture, je conseillerais aux seniors tentés par l'expérience de construire leur terreau, de l'entretenir et d'y plonger puis de se laisser porter par ce flot de stimuli et d'imaginer en toute liberté les choses les plus invraisemblables ... ou les plus banales.
Sophie: Quel genre de livres lisez-vous ? Jacques Mercier nous recommande un livre éternel chaque semaine. Quel livre éternel auriez-vous envie de nous conseiller ?
Jean: J'ai eu un prof extraordinaire à l'Athénée. Il m'a fait découvrir Apollinaire, Aragon, Sartre, Ionesco, Ulysse de Joyce et Lolita de Nabokov à une époque où Bob Morane et Tom Sawyer étaient les lectures préférées. J'ai découvert plus tard les poètes comme Apollinaire, Cendrars, Char ou Pessoa. J'adore les romans du belge Jean-Philippe Toussaint, les premières œuvres de Murakami et certaines œuvres de Michel Houellebecq dont Anéantir. Mais mon livre éternel est Ulysse de James Joyce. Ce serait trop long d'expliquer pourquoi !
Sophie : Parlez-nous un peu de votre second roman Le Mal-Aimé ! Avez-vous un message à faire passer à nos seniors ? Une leçon de vie ?
Jean : Je me suis lancé un formidable défi avec Le Mal-Aimé en ignorant allégrement la croyance selon laquelle une malédiction pèserait sur un second roman ! Ensuite, je me suis fixé trois règles simples : moins de personnages, un univers temps plus court et une histoire toute simple enrichie par un mystère qui tienne les lecteurs en haleine jusqu'à la fin. Je crois que j'ai bien réussi cette "mission impossible". Je ne dévoilerai pas le récit mais les premiers lecteurs sont enthousiastes et je suis fier d'avoir été adoubé par Amélie Nothomb.
Sophie: Deux événements graves perturbe la vie d'un de vos personnages principaux: la mort de sa première épouse et son AVC. Pouvez-vous aborder ici la résilience ?
Jean: La capacité à surmonter un ou plusieurs chocs traumatiques est une des caractéristiques de mes héros (Joe Hartfield, Jean Duchêne, Lionel Dupond). J'ai vécu personnellement plusieurs événements graves qui, sur le long terme, ont bouleversé ma vie positivement et fortement contribué à souder les membres de ma "tribu". L'humour et l'autodérision contribuent aussi beaucoup à adoucir des parcours de vie chaotiques.
Sophie: Avez-vous un message à faire passer à nos seniors ?
Jean: J'ai d'abord nié la vieillesse. Puis je l'ai apprivoisée. Maintenant, je veux en tirer le meilleur parti possible. La gérer. Le temps qui reste à vivre n'est pas subi, il est tout juste compté. Écrire pour un senior est un fantastique tremplin pour une nouvelle vieillesse, moins formatée, plus gaie, plus contestataire, plus impertinente. Maître du récit, le senior écrivain peut décider de la vie ou de la mort de ses personnages, de leur bonheur ou de leur malheur. Un pouvoir exorbitant. Auquel j'invite tous les seniors à goûter !
Sophie: Qu'inspire le mot "senior" pour vous ?
Jean: Un grand respect ! J'aime bien l'anglais où "senior" est utilisé pour décrire l'âge mais aussi la position dans un groupe ou une organisation. Un senior est quelqu'un qui quel que soit son âge, mérite le respect. Il n'est pas plus qualifié, il est autrement qualifié. Pour moi, le mot senior ne doit pas être connoté à vieux mais à expérimenté, pas à triste mais à lucide, pas à traditionaliste mais à "qui a vécu beaucoup de chose". Je crois que la valeur ajoutée des "seniors" est énorme et mal utilisée.
Quelques liens utiles pour en savoir plus sur Jean Calembert et ses romans:
www.jean-calembert-ecrivain.be
https://www.babelio.com/livres/Calembert-Le-Mal-Aime/1475512